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Violences sexuelles en cuisine : les langues se délient - ELLE France

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Dès 2014, plusieurs témoignages faisant état de violences sexuelles au sein de la foodosphère émergeaient. Nous sommes alors quelques années avant le regain du mouvement américain #MeToo, créé en 2007, et qui réapparaît en octobre 2017, suite à l’affaire Weinstein. Oui, la sacro-sainte gastronomie française, fleuron de notre pays, n’est pas épargnée par ces comportements abjects et intolérables. Passés quasiment inaperçus médiatiquement à l'époque, noyés dans la masse ou volontairement éclipsés, ces récits n’avaient ébranlé personne. Du moins pas jusqu’à présent. 

Car, depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux bouillonnent. De nouveaux témoignages affluent, recueillis et largement relayés sur Facebook et Instagram. Les langues se délient. Le silence est sur le point de se rompre. Plusieurs noms de chefs reconnus circulent. L’envie de dévoiler au grand jour l’identité de ces agresseurs présumés et de voir s’abattre sur eux le courroux judiciaire se fait de plus en plus pressante.

Le 12 août dernier, un premier coup de pied est asséné dans la fourmilière. Julie Mathieu, rédactrice en chef de « Fou de Pâtisserie » et « Fou de Cuisine », partage sa colère et son indignation, sur son compte Instagram. « Il y a quelques semaines, nous avons été effarées d’entendre qu’un jeune chef, bien connu de la foodosphère parisienne, serait coupable de harcèlement et d’agressions sexuels sur plusieurs femmes travaillant pour lui ou évoluant dans le milieu de la gastronomie, écrit-elle. Nous n’y avons pas cru, tant l’estime pour l’homme, le respect pour le cuisinier et le plaisir à manger dans ses restaurants le plaçait certainement à nos yeux bien loin de tout ça, reconnaît-elle ensuite. Nous avons pris le temps de recouper les informations, de recevoir et de lire différents témoignages. Mais les faits semblent malheureusement se confirmer aujourd’hui, et même se révéler un peu plus chaque jour (…) en attendant que la justice se prononce, en tant que professionnelles nous prenons la décision de ne plus parler de ce chef dans les magazines que nous dirigeons, sur nos réseaux sociaux et de ne plus participer à une manifestation où il sera invité (…) Le milieu de la cuisine et de la gastronomie n’est pas un monde à part. Cette violence doit cesser et les agissements de cet homme doivent être condamnés. », termine-t-elle. Une décision lourde de sens prise en accord avec Muriel Tallandier, également rédactrice en chef.

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JE ME LÈVE ET JE ME CASSE. Il y a quelques semaines nous avons été effarées d’entendre qu’un jeune chef, bien connu de la foodosphere parisienne, serait coupable de harcèlements et d’agressions sexuels sur plusieurs femmes travaillant pour lui ou évoluant dans le milieu de la gastronomie. Nous n’y avons pas cru, tant l’estime pour l’homme, le respect pour le cuisinier et le plaisir à manger dans ses restaurants le plaçait certainement à nos yeux bien loin de tout ça. Nous avons pris le temps de recouper les informations, de recevoir et de lire différents témoignages. Mais les faits semblent malheureusement se confirmer aujourd’hui, et même se révéler un peu plus chaque jour. Les langues se délient, le courage progresse au sein des victimes, à l’image du témoignage de @bonnyclea. Et la nausée nous monte à la gorge... Depuis plusieurs jours nous nous demandons quoi faire. Par respect pour la parole des victimes, le travail de la justice et ce qu’il reste de la présomption d’innocence, et parce que nous sommes fondamentalement contre les tribunaux populaires, nous ne dirons pas son nom. Cependant, et en attendant que la justice se prononce, en tant que professionnelles nous prenons la décision de ne plus parler de ce chef dans les magazines que nous dirigeons @juliefoodforlove & @mu.tall , sur nos réseaux sociaux et de ne plus participer à une manifestation où il sera invité. En tant que citoyennes, nous décidons de ne plus aller manger dans ses restaurants. Et en tant que femmes, nous disons aux victimes qu’elles ne sont pas seules, que nous les écoutons, les entendons, que nous les soutenons, qu’elles ne sont pas responsables et que nous nous battrons à leurs côtés pour dénoncer et faire condamner ces agissements inacceptables, ici comme ailleurs, comme partout dans notre société. Le milieu de la cuisine et de la gastronomie n’est pas un monde à part. Cette violence doit cesser et les agissements de cet homme doivent être condamnés. #stop #agissons! ❌♨️

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« Toi, t’as de la chance que je ne t’aie pas encore violée »

Puis c’est au tour du compte Instagram « Je dis non chef ! » de prévenir de l’annonce imminente de révélations explosives. Très engagées sur la question des violences verbales, physiques et sexuelles au sein des brigades, sa créatrice Camille Aumont Carnel – ancienne élève de Ferrandi et également fondatrice du compte « Je m’en bats le clito » - et la journaliste indépendante Nora Bouazzouni – auteure de l’essai « Faiminisme, quand le sexisme passe à table » et créatrice du site « Paye ta pige » - ont notamment élaboré un questionnaire permettant aux victimes de témoigner, sous couvert d’anonymat, de leurs douloureuses expériences. Constitué de plus de cent-cinquante posts, « Je dis non chef ! » jette une lumière crue sur ce qui se passe derrière les portes battantes des cuisines de restaurants : remarques sexistes, blagues lourdes et graveleuses, mains aux fesses et autres comportements inadmissibles. Les témoignages donnent la nausée tant par leur nature que par leur nombre. « Tu ferais mieux de bouffer ma bite, tu grossirais moins, salope ! », « Toi, t’as de la chance que je ne t’aie pas encore violée », « Le chef c’est un magicien et toi tu es sa maxi chienne », « Tu t’habilles comme ça et après tu vas venir te plaindre si tu prends cher dans les vestiaires », peut-on lire.

Le 16 août dernier, le site « Atabula » frappe fort en publiant une enquête ponctuée de récits édifiants. On apprend par exemple qu’il y a quelques mois, durant la cérémonie organisée par le guide Michelin, un chef trois étoiles « légèrement éméché, joyeux d’être là, dans son monde, un peu comme chez lui aperçoit une paire de fesses et, se sentant libre d’agir à sa guise, il y pose sa paluche. » Un acte odieux auquel la victime répondra par une claque. Malgré les excuses formulées plus tard dans la soirée par l’auteur du geste, le mal était fait.

« Il faut en parler car, un jour, ces grands chefs tomberont »

Autre témoignage glaçant, celui d’Alexia Duchêne. La jeune cheffe, demi-finaliste de l’émission « Top Chef » en 2019, a confié au site culinaire avoir subi un viol, lorsqu’elle avait 15 ans. Une agression perpétrée par trois hommes âgés de dix ans de plus qu’elle. Cet épisode de sa vie, elle l’a également raconté à l’équipe de son ex-restaurant Datsha. « Au départ, j’avais que des mecs en cuisine. Je leur ai dit que je voulais du respect envers tout le monde, que je refusais d’entendre des blagues sur qui que ce soit au restaurant ou en ma présence (…) C’est pas évident, c’est même très dur, mais ils ne se rendent pas compte que ça peut partir d’un rien, et arriver à tout le monde. Lorsque j’ai revu les mecs au procès, ils avaient du remords, ils ont dit qu’ils ne se rendaient pas compte… Mais les hommes n’ont tellement pas l’habitude d’avoir des représailles. », a-t-elle déclaré. « Je ne vais pas commencer à dire que les hommes sont les pires, mais je pense qu’il faut qu’on nous écoute une bonne fois pour toutes ! ». Puis elle poursuit : « Il faut en parler car, un jour, ces grands chefs tomberont. On ne voudra plus aller chez eux, parce qu’ils se comportent comme des merdes, et c’est à ce moment-là qu’on aura vraiment gagné. » Ce n’est pas la première fois qu’Alexia Duchêne monte au créneau sur ce sujet, encore trop tabou. Dans une interview accordée au site « Melty », en juillet 2019, elle avait déjà expliqué avoir vécu des « trucs pas hyper cool dans les cuisines » : mains aux fesses et sms nocturnes, entre autres. 

Aujourd’hui, alors que les langues semblent vouloir se délier, il est plus que jamais primordial de rappeler que la parole de toutes les personnes victimes de harcèlement, d’agressions et de violences sexuels doivent être entendues pour que justice soit faite. Et pour que ces comportements, restés trop longtemps impunis, cessent.




August 22, 2020 at 01:10AM
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